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Force majeure, nouvelle mouture : même sévérité pour le débiteur contractuel d’une somme d’argent

Civil - Contrat
26/11/2020
Une hospitalisation d’urgence empêchant de profiter d’un séjour thermal jusqu’au bout mais n'empêchant pas d’exécuter l'obligation de paiement du prix du séjour ne constitue pas un cas de force majeure.
Selon l’article 1218 du Code civil introduit par la réforme de 2016, il y a force majeure en matière contractuelle « lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ». Ce texte, applicable aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, entérine les jurisprudences antérieures. La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 novembre 2020, a répondu à la question de savoir si un débiteur peut se soustraire au paiement d’une somme d’argent en invoquant une telle force majeure. Elle répond par la négative en confirmant l’inapplication de ce texte au débiteur, en l'espèce, d'un contrat d’hébergement.

Faits et procédure. - Dans cette affaire, M. et Mme X ont souscrit un contrat d’hébergement auprès d’un établissement thermal pour trois semaines, pour un montant total payé le jour de leur arrivée. Hospitalisé en urgence dès la première semaine, M. X a dû mettre un terme à son séjour et Mme X a quitté le lieu d’hébergement quelques jours plus tard. N’ayant pas pu profiter des deux dernières semaines de leur séjour, les époux X ont assigné la société en résolution du contrat et indemnisation en raison d’une circonstance revêtant les caractères de la force majeure.

La résiliation du contrat est prononcée par les juges à compter du lendemain du départ des époux X. Et la société est condamnée à leur verser une certaine somme.

La société conteste cette décision. Selon elle, si la force majeure permet au débiteur d’une obligation contractuelle d’échapper à sa responsabilité et d’obtenir la résolution du contrat, c’est à la condition qu’elle empêche l’exécution de sa propre obligation. Les difficultés de santé de M. X ne l’empêchaient aucunement d’exécuter l’obligation dont il était débiteur, mais uniquement de profiter de la prestation dont il était créancier. La société considère que le tribunal d’instance a violé l’article 1218 du Code civil.

Solution. - Au visa du texte précité, la Haute juridiction casse le jugement. Le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure.

Pour prononcer la résiliation du contrat, après avoir énoncé qu’il appartenait aux demandeurs de démontrer la force majeure, le jugement retient que M. X a été victime d’un problème de santé imprévisible et irrésistible et que Mme X a dû l’accompagner en raison de son transfert à plus de cent trente kilomètres de l’établissement de la société, rendant impossible la poursuite de l’exécution du contrat d’hébergement.

En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que « M. et Mme X avaient exécuté leur obligation en s’acquittant du prix du séjour, et qu’ils avaient seulement été empêchés de profiter de la prestation dont ils étaient créanciers, le tribunal a violé le texte susvisé ».

À noter : dans le même sens, v. Cass. com., 16 sept. 2014, n°13-20.306, Bull. civ. IV, n° 118 : « Le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent inexécutée ne peut s'exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure ». Du fait de sa nature pécuniaire, l’obligation est présumée pouvoir toujours être exécutée. Cependant, la force majeure peut être invoquée à titre d’excuse par le débiteur à qui est reproché un retard d’exécution en cas d’impossibilité matérielle de payer à temps (Cass. 3civ., 17 févr. 2010, n° 08-20.943, Bull. civ. III, n° 47, RLDC 2010/71, n° 3801, note Le Gallou C.; Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-18.921).
 
Pour aller plus loin, v. Le Lamy Droit du contrat, n° 2076.
Source : Actualités du droit