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CJPM et seuil d’irresponsabilité pénale : la ministre de la Justice répond aux critiques

Pénal - Procédure pénale
01/07/2020
Dans une réponse ministérielle, la garde des Sceaux vient rappeler le principe de non discernement pour les mineurs de moins de treize ans prévu par le Code de justice pénale des mineurs qui entrera en vigueur le 31 mars 2020.
Une députée interroge la garde des Sceaux sur sa volonté de relever le seuil d’irresponsabilité pénale à 13 ans. Pour mémoire, l’ordonnance portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs (CJPM) du 11 septembre 2019 (Ord. n° 2019-950, 11 sept. 2019, JO 13 sept.) prévoit dans son article L. 11-1 que « les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement » (v. Focus sur les principes généraux de la justice pénale des mineurs, Actualités du droit, 5 juill. 2020 et v. Le Code de la justice pénale des mineurs au Journal officiel, Actualités du droit, 13 sept. 2020).
 
 « À l'heure où la délinquance des mineurs est en pleine recrudescence, il s'agirait du pire message d'impunité que les autorités politiques puissent leur adresser » s’inquiète la députée. Elle demande donc à la ministre de la Justice de renoncer à ce projet et d’envisager la possibilité de prononcer une peine pénale à l’encontre de mineurs de moins de 13 ans reconnus coupables de faits de délinquance grave.
 
La ministre de la Justice répond et rappelle l’objectif du texte. Selon elle, la présomption de non discernement pour les mineurs de moins de 13 ans « paraît comme une mise en conformité de notre droit avec nos engagements internationaux et notamment avec l'article 40-3 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui préconise d'établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants sont présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi ». En effet, aucun seuil d’âge n’était jusque-là fixé, ce qui laisse une marge d’appréciation importante au magistrat, la limite étant le « discernement ». 
 
Et face aux critiques de la députée, elle souligne que la présomption de non discernement ne veut pas dire « impunité ». Procéduralement, l’enquête judiciaire sera réalisée dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Le mineur pourra être entendu dans le cadre d’une audition libre ou celui de 10 à 13 ans pourra être placé en retenue pour une durée de 12 heures sur autorisation du magistrat.
 
Ensuite, elle rappelle qu’il s’agit d’une présomption simple pouvant être renversée « si des éléments, tirés de l'enquête ou de l'examen de la personnalité du mineur, montrent que ce dernier est doué de discernement ». Le procureur pourra donc, au regard des éléments à sa disposition, apprécier l’opportunité de poursuivre ou non.
 
Dans l’hypothèse où le discernement du mineur est établi, notamment par « un examen médico-psychologique ordonné en urgence par le parquet lors de l'enquête, et/ou tout élément tiré de la procédure tels que les éléments sur la personnalité, la situation familiale ou les auditions réalisées », le procureur décidera soit d’ouvrir une information judiciaire soit de poursuivre le mineur devant le juge des enfants. Il n’empêche que le juge d’instruction ou le juge des enfants aura la possibilité d’ordonner une expertise contradictoire relative au discernement. En fonction du dossier, le juge le déclarera responsable, le cas échéant, coupable et prononcera une mesure déclarative ou pourra le relaxer.
 
La ministre de la Justice précise que s’agissant des mineurs de moins de treize ans « réputés non doués de discernement », le ministère public pourra :
- solliciter une évaluation de la situation éducative du mineur par les services de protection de l’enfance du conseil départemental,
- saisir le juge des enfants d’une demande d’assistance éducative s’il considère que l’enfant est en danger, « notamment s'il estime que la famille n'est pas en mesure de responsabiliser suffisamment le mineur face aux actes qu'il a posés ».
 
Rappelons que l’entrée en vigueur du Code de la justice pénale des mineurs a été décalée face à la crise sanitaire majeure qu’a connue la France. Initialement prévue au 1er octobre 2020, la date d’entrée en vigueur est finalement reportée au 31 mars 2021 (v. Loi fourre-tout : quelles dispositions en droit pénal ?, Actualités du droit, 18 juin 2020). La ministre s’était engagée à laisser un temps de discussion au Parlement avant cette échéance à l’occasion du projet de loi de ratification.
 
Finalement, les discussions ont déjà commencé lors des échanges portant sur la loi relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. En effet, ce débat autour de l’entrée en vigueur a été l’occasion pour certains de demander, non pas le report, mais l’abandon total du texte (v. Code de justice pénale des mineurs : à quand l’entrée en vigueur ?, Actualités du droit, 19 mai 2020). Des personnalités et professionnels ont envoyés deux lettres ouvertes en ce sens à la ministre de la Justice et aux parlementaires.
 
Le débat qui n’aurait finalement pas dû commencer avant l'examen du Parlement est donc loin d’être terminé.
Source : Actualités du droit