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Saisies pénales : de nouveaux motifs de non-restitution d’un bien saisi au cours d’une enquête

Pénal - Procédure pénale
14/11/2019
La Cour de cassation a dû se confronter à la liste limitative des motifs de non-restitution prévue par le Code de procédure pénale lorsque l’enquête est toujours en cours. N’ayant pas été modifié malgré un élargissement du champ d’application, les juges ont ajouté deux motifs de refus de restitution.
Un homme se dit auto-entrepreneur en récupération de ferrailles depuis 2007. Les services de gendarmeries le trouvent en possession de câbles de cuivre provenant de vols commis au préjudice d’une société.
 
Il ressort des investigations que pendant 2 ans, l’intéressé a vendu 145 tonnes de cuivre pour une somme de 675 111 euros alors qu’il n’a déclaré à l’administration fiscale que 4 624 pour chacune des deux années. Il est aussi propriétaire d’une villa acquise pour 183 000 euros évaluée, après travaux, à 350 000 euros. Au cours d’une perquisition, sont saisis 7 tonnes de cuivre, un véhicule immatriculé au nom de son épouse, la somme de 19 310 et des bijoux d’une valeur de 17 910 euros.
 
Le procureur de la République a décidé de la remise à l’AGRASC des bijoux et du véhicule saisis, les époux ont interjeté appel en précisant que ces biens saisis devaient leur être restitués.
 
La cour d’appel annule la décision de remise à l’AGRASC et rappelle que l’article 41-5 du Code de procédure pénale dispose que « le procureur de la République peut autoriser la remise à l’AGRASC en vue de leur aliénation des biens meubles saisis dont la conservation en nature n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité et dont la confiscation est prévue par la loi lorsque le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur du bien ». Au cas particulier, « il n’est pas démontré que le maintien de la saisie soit de nature à diminuer la valeur des biens, s’agissant majoritairement de bijoux en or ».
 
Les juges du second degré estiment donc que la décision de remise à l’AGRASC doit être infirmée, sans toutefois ordonner la restitution des biens saisis. Le tribunal ayant à statuer sur la culpabilité se prononcera sur la confiscation des objets concernés.
 
Un pourvoi est formé par les époux qui sera rejeté par la Cour de cassation (Cass. crim., 6 nov. 2019, n° 18-86.921). Elle va apporter des précisions quant à la restitution des bien saisis. Elle rappelle que l’article 41-4 du Code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le procureur de la République de se prononcer sur les requêtes en restitution d’objets placés sous-main de justice. Il peut refuser si :
  • la restitution est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ;
  • l’objet saisi est l’instrument ou le produit de l’infraction ;
  • une disposition particulière prévoit la destruction des objets.
Pour les juges, « si cette interprétation des motifs limitatifs visés par l’article 41-4, alinéa 2, du Code de procédure pénale apparaît protectrice du droit de propriété dans l’hypothèse où l’enquête est close, soit par un classement sans suite, soit par une décision définitive sur l’action publique, sa pertinence, eu égard à l’introduction récente de l’expression “Au cours de l’enquête” qui élargit le champ d’application de l’article 41-4 précité sans modifier les motifs de non-restitution lorsque la décision est prise dans cette hypothèse, est remise en cause pour plusieurs raisons ». Ils décident d’ajouter deux motifs de refus de restitution lorsque l’enquête est encore en cours :
  • la confiscation desdits biens est prévue par la loi ;
  • la restitution est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité.
Ainsi, cette dernière précise que « la chambre de l’instruction statuant, au cours de l’enquête, sur une demande de restitution présentée sur le fondement de l’alinéa 5 de l’article 41-5 du Code de procédure pénale peut refuser de restituer les biens saisis lorsque la confiscation desdits biens est prévue par la loi ou lorsque la restitution est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ».
 
En l’espèce, l’intéressé est susceptible d’être poursuivi du chef de blanchiment, et cela peut entraîner, selon l’article 324-7 du Code pénal : la peine de confiscation d’un ou plusieurs de ses véhicules, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, et de tout ou partie des biens dont il est propriétaire ou dont il a la libre disposition. Pour la Haute juridiction, « la chambre de l’instruction a justifié sa décision ».
Source : Actualités du droit