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OIP-CNB : « L'état actuel de l'accès au droit en prison n'est pas satisfaisant »

Pénal - Peines et droit pénitentiaire, Vie judiciaire
25/10/2019
À l'occasion de la journée européenne des avocats 2019, le 25 octobre 2019, l'Observatoire international des prisons et le Conseil national des barreaux publient une tribune commune pour dénoncer les difficultés pratiques de l'accès au droit en prison et rappeler le rôle essentiel de l'avocat.
Selon la maxime désormais classique de la Cour européenne des droits de l’homme, « la justice ne s’arrête pas aux portes des prisons ». Oui, parce qu’il faut encore le rappeler, les personnes détenues sont des citoyens et des citoyennes, qui n’ont pas perdu cette qualité du fait de leur incarcération.
 
Dire que les prisons doivent obéir aux principes de la République, le proclamer dans des colloques, des débats ou des émissions est important. Reconnaître l’existence de droits aux femmes et aux hommes détenues est fondamental. Mais il faut encore créer les conditions de leur effectivité.
 
Cependant, au quotidien, faire respecter les droits des personnes enfermées reste un vrai travail demandant énergie et persévérance, tant le droit a été long à franchir les murs des prisons françaises. Certes, des améliorations des conditions juridiques sont intervenues ces dernières années mais l’état actuel de l’accès au droit en prison n’est pas satisfaisant.
 
Le droit à la dignité des personnes détenues est-il respecté quand elles sont placées dans des cellules à 3 ou 4 personnes alors même que l’encellulement individuel est inscrit dans la loi depuis 1875.
 
Leur dignité n’est pas respectée lorsque les fouilles à nu redeviennent systématiques et sans contrôle.
 
L’accès à la santé, qui doit être le même qu’à l’extérieur, ne peut être assuré le soir et le week-end, parce qu’il manque un nombre important de soignants.
 
Le droit à une vie privée et familiale ne peut être assuré dans des établissements où il n’existe pas d’unités de vie familiale permettant de recevoir ses proches dans des conditions plus décentes. Deux tiers des établissements pénitentiaires ne disposent pas de ces unités, pourtant prévus par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
 
Enfin, et lorsqu’il existe des incidents en détention, la procédure disciplinaire ne respecte pas les règles élémentaires d’un procès équitable… Les exemples sont encore nombreux.  
 
Cette réalité est connue de tous depuis tant d’années, que les rapports parlementaires s’entassent, que les signaux d’alarme sont envoyés régulièrement par les associations intervenant dans ce domaine, les avocats et leurs représentants syndicaux ou professionnels, les syndicats professionnels de magistrats, d’intervenants en détention…
 
Cela change-t-il ?
 
Quelques frémissements peuvent se faire sentir, par la reconnaissance de recours ouverts pour contester certaines décisions administratives.
 
Ainsi, aux côtés des personnes détenues, comme toute personne qui a besoin d’un avocat, les avocats doivent prendre leur part dans la protection des droits des personnes enfermées ; il s’agit de leur mission première, défendre.
 
Défendre un homme ou une femme démuni(e) face aux décisions d’une administration, qui peuvent intervenir sans explication, sans débat contradictoire, parfois sans recours, avec des conséquences importantes sur un parcours d’exécution de peine.
 
Défendre devant les juridictions administratives les personnes ayant la volonté, l’énergie de contester une telle décision d’un chef d’établissement ou autre autorité pénitentiaire,
 
Défendre toujours devant les juridictions judiciaires, en décrivant aux juges la réalité des conséquences des décisions qui sont prises et en quoi consistent une heure, une journée de détention…
 
Il est tout aussi indispensable que la collectivité garantisse l’intervention de l’avocat dans des conditions adéquates du point de vue de la confidentialité, de l’accès au client et aux pièces de son dossier, de la rémunération au titre de l’aide juridictionnelle.
 
A cet égard, la circonstance que la Journée européenne de l’avocat soit consacrée à la prison signale les attentes tournées vers l’Europe. Les progrès qui ont marqué l’intervention de l’avocat en garde à vue doivent désormais concerner les missions qu’il exerce en détention[1]. C’est à cette seule condition que la justice pourra prétendre franchir la porte des prisons.  
 
 
[1] référence à la résolution du CNB
Source : Actualités du droit