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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
01/10/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 23 septembre 2019.
Mandat d’arrêt – appel du placement en détention – délai raisonnable
« Vu les articles 135-2 et 179 du Code de procédure pénale ;
Il est procédé à l’égard d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt découverte après règlement de l’information, conformément aux dispositions du premier de ces textes qui renvoie, lorsque la personne est placée en détention, aux délais prévus par les quatrième et cinquième alinéas de l’article 179 pour son jugement sur le fond; que s’agissant du délai dans lequel doit intervenir le jugement sur l’appel du placement de cette personne en détention, ces textes n’en prévoyant expressément aucun, la cour doit statuer dans un délai raisonnable ;
 
Pour constater l’irrégularité de la détention provisoire et ordonner sa remise en liberté, l’arrêt retient que dans le cadre de l'information, l'article 194 du Code de procédure pénale prévoit qu'en matière de détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les dix jours de l'appel lorsqu'il s'agit d'une ordonnance de placement en détention et dans les quinze jours dans les autres cas ; que les juges ajoutent que c’est cette caractérisation du bref délai qui est soumise à l'appréciation de la cour ; qu’ils en concluent qu'entre la date du 24 mai 2019, jour de l'appel formé par l'avocat du prévenu et le 19 juin 2019, date à laquelle l'affaire a été soumise à l'examen de la chambre, il s'est écoulé une durée de 25 jours, excédant ce principe de brièveté des délais pour statuer ;
Alors que les dispositions de l’article 194 du Code de procédure pénale ne concernent que la procédure devant la chambre de l’instruction et qu’en vertu des dispositions de l’article 135-2 du même Code, seules applicables, qui renvoient, pour le jugement au fond, à certaines dispositions de l’article 179 dudit Code, les juges ne pouvaient qualifier d’excessif le délai de 25 jours s’étant écoulé entre l’acte d’appel et son examen par la chambre correctionnelle, cette dernière a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé »
Cass. Crim., 24 sept. 2019, n°19-84.067, P+B+I *
 
Jugement et arrêts rendus par défaut – opposition
« Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 489 et 520 du Code de procédure pénale ;
Il se déduit de ces articles que, lorsque le prévenu a fait opposition à un jugement rendu par défaut à son égard, précédemment frappé d'appel par le ministère public et qui a donné lieu à un arrêt également rendu par défaut à l’encontre duquel il a aussi fait opposition, la cour ainsi saisie doit déclarer la première opposition sans objet, annuler l’arrêt et évoquer ;
 
Pour recevoir l’opposition de M. X à l’arrêt de défaut du 1er décembre 2010 qui l’a déclaré coupable, condamné à la peine de sept ans d'emprisonnement, et a ordonné le maintien des effets du mandat d'arrêt décerné à son encontre le 10 mars 2009, et surseoir à statuer pour permettre au tribunal correctionnel de statuer sur l'opposition faite au jugement du 7 janvier 2010, la cour retient qu’il convient de permettre au prévenu de bénéficier du double degré de juridiction ;
En se déterminant ainsi, alors que la cour saisie de l’appel du ministère public contre le jugement initial avait rendu un arrêt par défaut, lui-même frappé d’opposition, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ».
Cass. Crim., 24 sept. 2019, n°19-84.072, P+B+I *

Contrôle douanier – cumul actions pénales et douanières
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, lors d'un contrôle à un péage autoroutier, les agents des douanes ont trouvé plus de deux kilogrammes d'héroïne dans le véhicule conduit par M. X ; que ce dernier a été condamné, dans le cadre d'une comparution immédiate, des chefs d’importation, acquisition, transport et détention de produits stupéfiants par une décision du tribunal correctionnel devenue définitive en date du 15 janvier 2016 ; que, le 16 mars 2016, l'administration des douanes a fait citer M. X devant ce même tribunal pour détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, réputée importation en contrebande ; que les premiers juges ont condamné celui-ci à une amende douanière ; que le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision ; que la cour d’appel a confirmé la condamnation ;
Contrairement à ce que soutient le demandeur, l'article 4 du protocole no7 à la Convention européenne des droits de l’homme n'a pas en lui-même pour effet d'interdire par principe tout cumul entre des actions pénales et douanières ; que par ailleurs, le demandeur n'invoque aucun élément de nature à faire obstacle en l’espèce à un tel cumul ».
Cass. Crim., 25 sept. 2019, n°18-84.717, P+B+I *
 
Abus de biens sociaux – convention réglementée
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’au terme d’une information judiciaire ouverte à la suite de la plainte de la société Bayer, M. X a été renvoyé devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir, courant 2006, 2007 et 2008, étant président du directoire de la société Bayer, fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de cette société un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce en signant deux règlements de retraite sur-complémentaire fixant les conditions d'accès au bénéfice de la retraite dont les dispositions lui étaient particulièrement favorables, sans avoir obtenu préalablement l'autorisation du conseil de surveillance de la société alors qu'il s'agissait de conventions réglementées et en organisant son licenciement dans le cadre d'une intégration au plan de sauvegarde pour l'emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, pour un montant de 4 473 000 euros, ainsi que l'octroi d'une avance sur son indemnité de départ, pour un montant de 1 580 000 euros, sans que cette convention réglementée ne fasse l'objet d'un accord préalable du conseil de surveillance de la société, et ce, en violation de l'article 10 de son règlement intérieur et des articles L. 225-86 et L. 225-88 du Code de commerce et en occultant les conséquences financières détaillées et personnelles qu'une telle intégration entraînait pour la société ; que M. X a été déclaré coupable de ces faits par un jugement du 22 novembre 2016 dont il a interjeté appel ; 
 
Vu l'article 567-1-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour déclarer M. X coupable des abus de biens sociaux susmentionnés, l’arrêt retient notamment que l'article 1er des statuts de la société Bayer, qui était, à l’époque des faits, une société par actions simplifiées, prévoyait qu'elle était régie par les règles applicables aux sociétés anonymes, que l'intégration du prévenu dans le plan de sauvegarde pour l'emploi et l'avance qu'il a perçue sur son indemnité de départ correspondaient à des conventions réglementées qui devaient, aux termes des articles visés dans la prévention, être soumises à l'approbation préalable du conseil de surveillance, ce que l’intéressé s’est délibérément abstenu de faire ;
En l’état de ces énonciations, et dès lors que, d’une part, l’octroi au dirigeant du bénéfice d’un plan de sauvegarde pour l'emploi ou d’un dispositif de départ anticipé à la retraite mis en place par la société correspond à une convention réglementée, soumise aux dispositions des articles L. 225-86 et L. 225-88 du Code de commerce, d’autre part, l'article L.244-1 du code de commerce prévoit que les articles L. 242-1 à L. 242-6, L. 242-8, L. 242-17 à L. 242-24 du même Code s'appliquent aux sociétés par actions simplifiées et que les peines prévues pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées, la cour d’appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ».
Cass. Crim., 25 sept. 2019, n°18-83.113, P+B+I *
 
Pollution par les navires – zone économique – suspension des poursuites
« Vu l'article 228 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ;
Selon cet article, lorsque des poursuites ont été engagées par un Etat en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et normes internationales visant à prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commise au-delà de sa mer territoriale, dans sa zone économique exclusive, par un navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l'Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction dans les six mois suivant l'introduction de la première action ; que l’Etat côtier peut s’opposer à cette suspension lorsque les poursuites qu’il a engagées portent sur un cas de dommage grave causé à lui-même ou lorsque l'Etat du pavillon a, à plusieurs reprises, manqué à son obligation d'assurer l'application effective des règles et normes internationales en vigueur à la suite d'infractions commises par ses navires ; que la décision par laquelle l’Etat côtier s’oppose à la suspension des poursuites n’ étant pas détachable de la conduite de ses relations avec l’Etat du pavillon, il n'appartient pas au juge répressif français d’en apprécier la validité »
Cass. Crim., 24 sept. 2019, n°18-85.846, P+B+I *

Stockage illicite de matières incompatibles – éléments de preuve
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à l’occasion de visites d’un réacteur de la centrale nucléaire de Chinon entre le 1er juin et le 8 novembre 2013, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a établi, et publié sur son site internet, une “lettre de suites”, comportant diverses demandes d’intervention à la société EDF, gestionnaire du site ; que la centrale, en la personne de son directeur M. X, a répondu à cette lettre ; que sur la plainte que lui a adressée une association de protection de l’environnement, le procureur de la République a demandé un avis circonstancié à l’ASN, qui le lui a fourni avec un tableau des infractions susceptibles d’être relevées ; qu’après une enquête de gendarmerie, avec l’appui technique de l’ASN, EDF et M. X ont été cités devant le tribunal de police pour stockage en commun de produits, acides et bases, incompatibles, pour omission de lever les points d’arrêt surveillance au niveau d’une vanne, omission de traitement approprié d’un écart relatif à la présence de bore sur la tuyauterie d’une autre vanne ; qu’EDF a été seule citée pour écoulements d’eaux non traitées sur le sol d’un bâtiment ; que les deux prévenus ont été condamnés en première instance et l’association dénonciatrice a reçu réparation ; que les prévenus et le ministère public ont relevé appel ;
 
Pour déclarer les prévenus coupables des contraventions qui leur sont reprochées, à l’exception de l’une d’elles dont M. X est relaxé, l’arrêt relève que la preuve des contraventions objets des poursuites peut être apportée par tout moyen ; que les procès-verbaux établis par l'ASN constituent des éléments de preuve qui, soumis au débat et n'étant pas le fruit de procédés déloyaux, sont parfaitement admissibles ;
En l’état de ces énonciations, et dès lors que les infractions, correctionnelles ou de police, au code de l’environnement, auquel ne font pas exception sur ce point les règles particulières applicables aux installations nucléaires, peuvent être prouvées par tous moyens, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
 
Pour relaxer M. X de la contravention de stockage illicite de matières incompatibles, et condamner la société EDF de ce même chef, l’arrêt énonce que les dispositions légales et réglementaires qui fondent les poursuites sont clairement énumérées dans les citations, sont discutées par les parties et que si ces textes recèlent une certaine complexité et s'ils contiennent des renvois, même successifs, cela est inhérent à la matière particulièrement technique dont il s'agit ; que les juges ajoutent que les prévenus, de par leur qualité d'exploitant historique des installations nucléaires et de cadre dirigeant sont les plus à même d'appréhender la matière, d'en comprendre les tenants et aboutissants et les plus informés de la législation en vigueur, comme le montrent les développements qu'ils produisent au soutien de leurs défenses leur parfaite maîtrise de la matière ;
 
S’agissant de M. X, la citation qu’il a reçu évoque la violation des dispositions de l'article 14 alinéa 8 de l'arrêté du 31 décembre 1999, qui n’était plus en vigueur au moment des faits qui lui sont reprochés, en sorte qu’il en sera relaxé ; que s’agissant d’EDF, l'article 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012, visé à la prévention, est en revanche applicable ; que les juges énoncent encore, s’agissant de la faute commise par la société EDF en la personne de M. X, qu’eu égard à la fonction qui était la sienne et à la délégation de pouvoir dont il était titulaire, ce dernier disposait de l'ensemble des moyens et des prérogatives nécessaires à assurer le respect par les différents services qu'il dirigeait des dispositions légales et réglementaires afférentes au fonctionnement du CNPE de Chinon, et qu’en n'organisant pas correctement ces services et en ne prenant pas toute déposition nécessaire au respect de la réglementation il s'est rendu coupable des infractions poursuivies ; que les juges en déduisent qu’en commettant ces contraventions, alors qu'il agissait comme représentant de la personne morale SA EDF et pour le compte de celle-ci, il se trouve être l'organe défaillant qui emporte la culpabilité de la société ;
 
Attendu qu’en statuant ainsi, et dès lors que l'article 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base prohibe tout mélange entre matières incompatibles, sans restriction aux seuls déchets, et que la relaxe rendue au bénéfice de M. X n’entraînait nullement celle de la société dont il avait engagé la responsabilité pénale par sa propre faute, la cour d'appel a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 24 sept. 2019, n°18-85.348, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 30 octobre 2019
 
Source : Actualités du droit