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De la procédure préalable au jugement

Pénal - Procédure pénale, Droit pénal général
05/07/2019
Ce quatrième livre du projet de code traite de la procédure préalable au jugement. Il encadre l’audition du mineur, l’action publique et l’information judiciaire.
Le mineur suspecté peut être auditionné (titre 1er) – L’âge pris en compte est celui du jour de la mesure dont il fait l’objet (art L. 410-1)
 
Lorsque le mineur est entendu dans le cadre d’une audition libre (chapitre 1er), son représentant doit être informé par tout moyen (L. 411-1) et la présence d’un avocat en cas de crime ou de délit est par principe souhaitée – mais non obligatoire (L. 411-2). Béatrice Voss, du Conseil national des barreaux, estime « qu’il faut une présence d’un avocat obligatoire du début à la fin de la procédure, donc dès l’audition libre ». Il est d’ailleurs proposé sur la plateforme commune des professionnels de la justice des enfants et des adolescents de « permettre l’intervention de l’avocat d’enfants le plus en amont possible de la procédure ».
 
Un mineur peut aussi être retenu ou placé en garde à vue (chapitre 2).
Celui qui a entre dix et treize ans peut être retenu par un officier de police judiciaire s’il est soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Cette mesure doit être « l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs mentionnés à l’article 62-2 du Code de procédure pénale ». Le Procureur de la République ou le juge d’instruction détermine la durée, qui ne peut excéder douze heures (L. 412-1). Ce délai peut être renouvelé une fois, « par une décision motivée du procureur de la République » (L. 412-2). L’examen d’un médecin (L. 412-4) et la présence d’un avocat (L. 412-5) sont obligatoires.
 
Concernant la garde à vue, seul un mineur d’au moins treize ans peut être placé en garde à vue (L. 412-6 à L. 412-11) selon les conditions prévues aux articles 62 à 66 du Code de procédure pénale (L. 412-6). Les représentants légaux, la personne ou le service auquel le mineur est confié doivent être informés de sa garde à vue et du droit du mineur d’être assisté par un avocat. La durée, ne pouvant excéder vingt-quatre heures, est décidée par le Procureur de la République ou le juge d’instruction. La garde à vue pourra être prolongée de douze heures sous certaines conditions. Quant à l’examen médical, il est obligatoire pour les mineurs de moins de seize ans et à la demande des plus âgés. La présence de l’avocat est obligatoire (L. 412-9).
 
Une partie est consacrée à « l’enregistrement audiovisuel des auditions ». L’article L. 412-12 du projet prévoit que « les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ou en retenue font l’objet d’un enregistrement audiovisuel ». L’article suivant interdit la délivrance aux parties ou à leur avocat de ces enregistrements.
 
L’action publique Elle est prévue par le titre II du projet de code (de l’article L. 420-1 à L. 422-12).
« À l’égard d’un mineur, le procureur de la République apprécie les suites à donner conformément aux dispositions de l’article 40-1 du Code de procédure pénale, en tenant compte de la personnalité du mineur et de ses conditions de vie et d'éducation », selon l’article L. 420-1 du projet.
 
Des alternatives aux poursuites ou une procédure de composition pénale peuvent être mises en place (Chapitre 1er). L’article L. 421-1 renvoie à l’article 41-1 du Code de procédure pénale, ajoutant la possibilité d’accomplir « un stage de formation civique ou une consultation auprès d’un psychiatre ou d’un psychologue ». Le procureur peut aussi « demander au mineur de justifier de son assiduité à un enseignement ou une formation professionnelle » ou « proposer au mineur une mesure de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité ».
 
Le Procureur de la République peut aussi décider de mettre en place la procédure de composition pénale (article L. 421-3), déjà existante dans l’ordonnance de 1945. Il peut proposer des mesures spécifiques aux mineurs de plus de treize ans lorsque cette procédure apparaît adaptée à la personnalité de l’intéressé. Avant « le service de la protection judiciaire de la jeunesse compétent doit être consulté en vue d’établir un rapport de recueil de renseignement socio-éducatif, joint à la procédure » (L. 421-4).
 
Selon l’infraction, la composition pénale doit être validée par le juge des enfants ou le juge compétent du tribunal de police. Une modification est prévue concernant la durée : « la durée d'exécution des mesures proposées aux mineurs ne peut excéder six mois » selon le projet de réforme, contrairement à un an maximum selon l’ordonnance de 1945.
 
Concernant la mise en mouvement de l’action publique (chapitre II), les décisions sur les poursuites sont organisées de telle manière:
  • « Les contraventions de police des quatre premières classes commises par les mineurs sont jugées par le tribunal de police » (article L. 422-1) ;
  • « Lorsqu’un délit ou une contravention de la cinquième classe est imputé à un mineur, le procureur de la République peut :
1° Soit requérir l’ouverture d’une information judiciaire en application de l’article 80 du Code de procédure pénale ;
2° Soit saisir une juridiction pour mineurs » (article L. 422-2).
 
Le Procureur de la République devra saisir le juge des enfants aux fins de jugement, ou si le mineur est âgé d’au moins treize ans et s’il encourt une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, il devra saisir le tribunal pour enfants (L. 422-4).
 
« Aucune poursuite ne pourra être exercée en matière de crime contre les mineurs sans information préalable » (L. 422-3) et en aucun cas il pourra être poursuivi par voie de citation directe (L. 422-5).
 
Lorsque le mineur est présenté devant le Procureur de la République ou devant le juge d’instruction, l’article L. 422-6 organise la procédure (aviser les représentants légaux, établir un recueil de renseignements socioéducatifs, présence d’un avocat obligatoire, etc.).
 
Concernant la saisine de la juridiction pour mineurs, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants est saisi soit :
« 1° Par convocation délivrée sur instructions du procureur de la République soit par un greffier, un officier ou agent de police judiciaire, un huissier, un délégué ou un médiateur du procureur de la République, soit, si le prévenu est détenu, par le chef de l'établissement pénitentiaire, soit si le mineur est placé par le directeur de l’établissement auquel il est confié ;
2° Par procès-verbal du procureur de la République établi lors d’un déferrement » (L. 422-7).
 
L’article suivant (L. 422-6) prévoit les formalités à respecter pour la « convocation devant le juge des enfants ou le tribunal pour enfants et le procès-verbal établi par le Procureur de la République lors du déferrement ».
 
Avant de comparaître devant la juridiction de jugement, l’article L. 422-9 prévoit que le juge des enfants pourra statuer sur les réquisitions du procureur de la République, par ordonnance motivée, concernant :
  • la mise en place d’une mesure éducative judiciaire provisoire jusqu’à l’audience d’examen de la culpabilité ;
  • un placement sous contrôle judiciaire pour les mineurs de plus de treize ans jusqu’à l’audience d’examen de la culpabilité ;
  • un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique pour les mineurs d’au moins seize ans jusqu’à l’audience d’examen de la culpabilité ;
  • pour les mineurs de plus de seize ans, il pourra statuer sur le placement en détention provisoire jusqu’à l’audience lorsque le tribunal pour enfants est saisi aux fins d’audience unique ; « dans ce cas l’audience de jugement doit avoir lieu dans un délai ne pouvant excéder un mois ».
 
Les professionnels demandent, pour leur part, qu’il n’y ait « pas de peine encourue si la culpabilité a été prononcée par un juge des enfants seul en cabinet » (plateforme commune).
 
« Le juge des enfants est compétent, jusqu’à la comparution du mineur devant la juridiction, pour statuer sur la main levée, la modification ou la révocation des mesures d’investigation, éducative judiciaire provisoire et de sûreté » selon l’article L. 422-11.
 
Concernant les voies de recours contre les décisions relatives aux mesures prononcées lors d’un déferrement, l’article L. 422-12 du projet prévoit que « La mesure éducative judiciaire provisoire et les mesures de sûreté peuvent faire l’objet d’un appel par le mineur dans un délai de dix jours. L’appel de l’ordonnance prescrivant une mesure éducative judiciaire provisoire, un contrôle judicaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique est porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs qui statue dans le délai d’un mois. L’appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire est examiné par la chambre spéciale des mineurs dans les délais et selon les modalités prévues devant la chambre de l’instruction par les articles 194 et 199 du Code de procédure pénale ».
 
L’information judiciaire (Titre III) – Les représentants légaux doivent être informés et convoqués lors de l’information judiciaire selon le Chapitre 1er du projet (L. 431-1 à L. 431-3).
 
Concernant les mesures d’investigation et la mesure éducative provisoire lors de l’information judiciaire (Chapitre II), il est prévu que le juge d’instruction doit ordonner une mesure judiciaire d’investigation éducative à moins qu’une « copie du dossier unique de personnalité du mineur, contenant un rapport d’une mesure judiciaire d’investigation éducative de moins d’un an, est versée au dossier de l’information judiciaire » (L. 432-1).
Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut aussi ordonner « une mesure éducative judiciaire provisoire à l’égard du mineur mis en examen, dans les conditions prévues par les articles L. 322-1 à L. 322-3 ». Cette mesure est prononcée pour une durée d’un an renouvelable. Le juge d’instruction pouvant en donner mainlevée à tout moment (L. 432-2).
 
Le chapitre III organise les mesures de sûreté décidées lors d’une information judiciaire.
« Les dispositions relatives au contrôle judiciaire, à l’assignation à résidence avec surveillance électronique et à la détention provisoire, prévues au titre III du livre III sont applicables, sous réserve des dispositions du présent chapitre » (L. 433-1).
 
Concernant la détention provisoire, le placement « est décidé par ordonnance motivée du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention » (L. 433-2).
 
Concernant la détention provisoire, le présent chapitre précise qu’en matière criminelle, elle « ne peut excéder six mois pour le mineur de moins de seize ans », renouvelable une fois par le juge des libertés et de la détention (L. 433-3). Pour les mineurs ayant seize ans, elle « ne peut excéder un an », renouvelable pour une durée maximum de six mois, en précisant que « la durée totale de la détention ne pouvant excéder deux ans » (L. 433-4).
 
En matière correctionnelle, l’article L. 433-5 du projet prévoit que « la détention provisoire ordonnée à l’égard d’un mineur de moins de seize ans ne peut excéder :
1° Une durée de quinze jours, renouvelable une fois par ordonnance motivée, lorsque le mineur encourt une peine inférieure à dix ans d'emprisonnement ;
2° Une durée d’un mois, renouvelable une fois par ordonnance motivée, lorsque le mineur encourt une peine de dix ans d'emprisonnement ».
 
Pour les mineurs de plus de seize ans, la détention provisoire ne peut excéder :
« 1° Un mois, lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à sept ans. Toutefois, à l'expiration de ce délai, la détention peut être prolongée par le juge des libertés et de la détention, à titre exceptionnel, pour une durée n'excédant pas un mois, par une ordonnance motivée ;
Quatre mois, lorsque la peine d’emprisonnement encourue est supérieure à sept ans. Toutefois, à l’expiration de ce délai, la détention peut être prolongée par le juge des libertés et de la détention, à titre exceptionnel, pour une durée n’excédant pas quatre mois, par une ordonnance motivée. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, la durée totale de la détention ne pouvant excéder un an ».
 
Les articles L. 433-7 jusqu’à L. 433-9 prévoient des exceptions à ces durées, notamment pour des actes de terrorisme.
 
Concernant le règlement de l’information judiciaire (Chapitre IV), notamment les « ordonnances de règlement de l’information judiciaire », le juge d’instruction rend une ordonnance qui peut être, selon l’article L. 434-1 du projet :
  • une ordonnance de non-lieu selon les conditions de l’article 177 du Code de procédure pénale ;
  • une ordonnance de renvoi devant le tribunal de police s’il s’agit d’une contravention des quatre premières classes ;
  • une ordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfant pour un délit ou une contravention de la cinquième classe ;
  • une ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises des mineurs si les faits constituent un crime, pour les mineurs de seize ans, ou devant le tribunal pour enfants s’il a moins de seize ans.
 
Si le mineur a des complices majeurs ou coauteurs, en matière contraventionnelle « la procédure est disjointe » et en matière criminelle, le juge d’instruction peut « soit renvoyer tous les accusés âgés d’au moins seize ans devant la cour d’assises des mineurs ou disjoindre les poursuites » (L. 434-3).
 
Pour le « maintien de la mesure éducative et des mesures de sûreté », l’article L. 434-5 prévoit que « lorsqu’une mesure éducative judiciaire provisoire a été ordonnée à l’égard du mineur au cours de l’information, le juge d’instruction statue expressément, lors du règlement de l’information, sur le maintien de la mesure jusqu’au jugement » (L. 434-5).
 
Lorsque le juge d’instruction ordonne le renvoi devant le tribunal pour enfants :
  • « d’un mineur de moins de seize ans en matière correctionnelle, ce dernier peut être maintenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement pour une durée de deux mois, renouvelable une seule fois pour une durée d’un mois » (L. 434-6) ;
  • « d’un mineur âgé d'au moins seize ans en matière correctionnelle, ce dernier peut être maintenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement pour une durée de deux mois renouvelable une fois » (L. 434-7) ;
  • « d’un mineur de moins de seize ans en matière criminelle, ce dernier peut être maintenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant la juridiction de jugement pour une durée de deux mois renouvelable deux fois dans les conditions prévues par le cinquième alinéa de l'article 179 du Code de procédure pénale » (L. 434-8).
 
Et « lorsque le juge d’instruction a ordonné la mise en accusation d’un mineur âgé d'au moins seize ans devant la cour d’assises des mineurs, il est fait application des dispositions de l’article 181 du Code de procédure pénale » (L. 434-9).
 
Pour les mesures éducatives et les mesures de sûreté après le règlement de l’information judiciaire, « lorsque le tribunal pour enfants a été saisi par ordonnance de renvoi du juge d’instruction et jusqu’à la comparution du mineur devant lui, le juge des enfants est compétent » pour le maintien, la modification ou la mainlevée de la mesure éducative judiciaire provisoire (L. 434-10) mais aussi pour prolonger le contrôle judiciaire, le maintien de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et ce qui concerne les obligations (L. 434-11).
 
Quand c’est la cour d’assises des mineurs qui a été saisie, c’est soit cette dernière qui est compétente pour les demandes formées devant la session de jugement ou dans les autres cas, la compétence revient à la chambre de l’instruction pour ce qui concerne la mesure éducative judiciaire provisoire (L. 434-10).
 
Le dernier chapitre relatif aux dispositions spécifiques relatives à l’appel des décisions du juge d’instruction, prévoit que « le mineur mis en examen peut faire appel devant la chambre de l’instruction, selon les modalités prévues par l’article 186 du Code de procédure pénale, des ordonnances du juge d’instruction chargé spécialement des affaires de mineurs relatives à la mesure éducative judiciaire provisoire ». (L. 435-1).


 
Source : Actualités du droit