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Fourniture illégale d’un service d’investissement à des tiers : précisions sur la notion de profession habituelle en cas de démarchage

Affaires - Banque et finance
26/06/2019
Une seule opération de démarchage d’investisseurs au profit d’un client unique, en exécution d’un mandat unique, ne peut caractériser l’exercice d’une profession habituelle. Il n'y a, en conséquence, pas de délit de fourniture illégale d'un service d'investissement à des tiers.
Pour mémoire, l’article L. 573-1, I du code monétaire et financier punit « de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende le fait, pour toute personne physique, de fournir des services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisée dans les conditions prévues aux articles L. 532-1 et L. 532-48 ou sans figurer au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 531-2 ».

En l’espèce, une entreprise d’investissement et son président directeur général ont signé, en 2004, avec une société (la société cliente) un mandat de conseil pour la réalisation d’une opération d’augmentation de capital de cette société, portant sur dix millions d’euros, opération qui s’est déroulée en août et septembre 2004. À l’époque des faits, l’agrément dont disposait l’entreprise d’investissement était limité à la fourniture des services de réception, transmission et exécution d’ordres pour compte de tiers, mais ne s’étendait pas à l’activité de service de placement.

Après avoir constaté que l’entreprise d’investissement ne s’était pas contentée d’une simple activité de mise en relation ou d’entremise, mais avait effectué des démarches de recherche d’investisseurs, l’AMF a dénoncé ces faits au parquet. Une information judiciaire a alors été ouverte à l’issue de laquelle l’entreprise d’investissement et son président directeur général ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir fourni des services d’investissement à des tiers à titre de profession habituelle sans y avoir été autorisés dans les conditions prévues à l’article L. 532-1 ou sans figurer au nombre des personnes mentionnées à l’article L. 531-2 du code monétaire et financier, en l’espèce en démarchant des investisseurs dans le cadre de la réalisation de l’augmentation de capital de la société cliente. Déclarés coupables par le tribunal correctionnel, les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

La cour d’appel les a relaxés après avoir énoncé que Ie délit de fourniture illégale d’un service d’investissement à des tiers nécessite qu’il soit établi que cette activité était exercée à titre de profession habituelle, et que si le mandat liant la société d’investissement et la société cliente prévoyait une rémunération de la première par la seconde, la prévention ne vise qu’une seule opération, celle consistant en la recherche d’investisseurs dans le cadre de l’augmentation de capital social, opération qui ne concernait qu’un seul client, à savoir cette dernière, pour le compte de laquelle l’entreprise d’investissement avait mandat, les souscripteurs au capital ne pouvant être considérés comme des clients de l’entreprise d’investissement dans le cadre de cette opération. Ainsi, selon les juges du fond, le seul démarchage de souscripteurs dans le cadre de l’augmentation de capital ne peut constituer la circonstance de profession habituelle exigée par le texte d’incrimination.

Pour la Cour de cassation, en statuant ainsi la cour d’appel a justifié sa décision. La Haute juridiction énonce clairement qu’« une seule opération de démarchage d’investisseurs au profit d’un client unique, en exécution d’un mandat unique, ne peut caractériser l’exercice d’une profession habituelle ».

Le pourvoi est rejeté.
Source : Actualités du droit