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L’appréciation restrictive du devoir de mise en garde du banquier en matière de regroupement de crédits

Affaires - Banque et finance
25/04/2019
Un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l’emprunteur, ne crée pas de risque d’endettement nouveau ; il ne saurait alors justifier une action fondée sur le devoir de mise en garde du banquier prêteur.

En l’espèce, le 16 juin 2008, la société X avait consenti aux époux D. un prêt de restructuration d’un montant de 66 000 euros, remboursable en 144 mensualités de 781,37 euros chacune. Cependant, les emprunteurs ayant été défaillants, la société les avait assignés en exécution de leur engagement. Les intéressés avaient alors opposé à cette dernière un manquement à son devoir de mise en garde.

Par une décision du 19 septembre 2017, la cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, 19 sept. 2017, n° 15/00502) avait condamné la société X à payer à M. et Mme D. la somme de 45 000 euros à titre de dommages-intérêts. Les juges du fond avaient ainsi considéré que la seule diminution, même conséquente, du montant des mensualité du crédit de restructuration était insuffisante à démontrer l’absence de risque d’endettement.

La société prêteuse avait alors formé un pourvoi en cassation. Celui-ci se révèle judicieux puisque la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. La Haute juridiction considère, en effet, qu’un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l’emprunteur, ne crée pas de risque d’endettement nouveau.

Ainsi, pour la Cour de cassation, un regroupement de crédits qui permet d’améliorer la situation de l’emprunteur par rapport à ce qu’elle était avant le prêt de restructuration en question est de nature à échapper à toute action fondée sur le devoir de mise en garde.

Cette décision s’insère dans une jurisprudence contemporaine très hostile au devoir de mise en garde du banquier prêteur que cela soit en présence de prêts en devise (Cass. 1re civ., 3 mai 2018, n° 17-13.593, P+B ; Cass. 1re civ., 13 mars 2019, n° 17-23.169, P+B, v. Prêt libellé en franc suisse et clause de remboursement en devise étrangère : nouvelle illustration, Actualités du droit, 20 mars 2019), d’emprunts toxiques (Cass. com., 28 mars 2018, n° 16-26.210, P+B+I ; Cass. com., 6 mars 2019, n° 16-25.117, P+B+I, v. Sanction applicable en cas de non-respect des règles relatives à la conclusion d’un contrat de droit privé au nom d’une commune, Actualités du droit, 10 avr. 2019), d’opérations de défiscalisation ayant échoué (Cass. com., 10 janv. 2018, n° 16-23.845, D ; Cass. com., 4 juill. 2018, n° 17-13.128, P+B) ou encore de prêt in fine (Cass. com., 13 févr. 2019, n° 17-14.785, P+B, v. Du nouveau concernant le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de l’emprunteur non averti, Actualités du droit, 13 mars 2019).

Par Jérôme Lasserre Capdeville

Source : Actualités du droit