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Condamnation pour récidive sans jugement définitif pour la première condamnation : violation de la présomption d’innocence ?

Pénal - Procédure pénale
15/03/2019
La condamnation pour récidive d’une personne qui a formé un recours, toujours pendant, contre sa première condamnation, constitue-t-elle une violation de la présomption d’innocence ?
En l’espèce, le requérant avait été condamné pénalement en juillet 2009 pour conduite sans permis par un tribunal letton. Il avait contesté cette décision et n’avait été condamné définitivement que par une décision rendue en 2012.

En septembre 2009, alors que le recours contre la première condamnation était toujours pendant, il avait été condamné une nouvelle fois pour conduite sans permis. Il avait ainsi été inculpé pour une infraction plus grave, à savoir la récidive concernant cette infraction.

Il avait fait appel de la décision, plaidant que la première procédure relative à l’infraction de conduite sans permis était encore en cours. Il avait été débouté en février 2010, la juridiction d’appel retenant que, si elle n’avait pas fait l’objet d’une infirmation ou d’un sursis, la décision sur la première infraction demeurait juridiquement contraignante et devait être prise en compte pour déterminer s’il y avait eu récidive.

Le requérant porte l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), invoquant une violation de son droit à la présomption d’innocence, protégé par l’article 6 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Pour la cour, le fait que la première infraction, objet d’un recours qui était pendant, ait servi de base au constat de récidive supposait forcément que le requérant avait aussi commis cette première infraction.

Elle relève que les présomptions de fait ou de droit dans une procédure judiciaire ne sont pas interdites en principe, mais qu’elles doivent cependant être maintenues dans des limites raisonnables, tenir compte de l’importance de l’enjeu et préserver les droits de la défense.

Dans la cause du requérant, il a été présumé que celui-ci s’était rendu coupable de la première infraction de conduite sans permis, visée par une autre procédure judiciaire, les tribunaux s’étant estimés liés par le procès-verbal d’infraction administrative relatif à ladite première infraction.

Le requérant s’est donc trouvé privé de tout moyen de défense contre cette présomption.

La cour rappelle que la présomption d’innocence fait obstacle à tout constat de culpabilité en dehors de la procédure pénale devant le tribunal du fond connaissant de l’affaire, quelles que soient les garanties procédurales dans l’instance parallèle.

Le constat de la juridiction nationale selon lequel le requérant était coupable de récidive relativement à l’infraction de conduite sans permis, alors que le recours de l’intéressé concernant la première accusation n’était pas encore tranché, a donc été contraire au droit du requérant à être présumé innocent de la première accusation. Dès lors, il y a eu violation de ses droits découlant de la Convention.
Source : Actualités du droit