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Rapprochement familial pour le détenu en attente de jugement : absence de garantie du droit à un recours effectif

Pénal - Peines et droit pénitentiaire, Procédure pénale
08/02/2019
Le Conseil constitutionnel censure les dispositions de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui ne permettent au détenu en attente de comparution devant la juridiction de jugement de contester l’avis conforme défavorable à sa demande de rapprochement familial.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État (CE, 5 déc. 2018, n° 424970 ; voir Rapprochement familial pour le détenu en attente de jugement : renvoi d’une QPC, Actualités du droit, 12/12/2018), le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur la conformité constitutionnelle de l'article 34 de la loi pénitentiaire (L. n° 2009-1436, 24 nov. 2009, JO 25 nov.).
Sur le fond, le Conseil rappelle les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dont il résulte qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

Or l'article 34 de la loi pénitentiaire reconnaît aux prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement, la possibilité de bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à cette comparution. En outre, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État (voir not. CE, 5 déc. 2018, précitée), la décision administrative relative au rapprochement familial est nécessairement subordonnée à l'accord du magistrat judiciaire saisi du dossier de la procédure et s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre la décision administrative de refus de rapprochement familial, d'exercer un contrôle de légalité sur celle-ci, il ne lui appartient pas de contrôler la régularité et le bien-fondé de l'avis défavorable du magistrat judiciaire qui en constitue, le cas échéant, le fondement.

Ainsi, dans la mesure où aucune autre voie de recours ne permet de contester cet avis, il n'existe pas de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial lorsque celle-ci fait suite à l'avis défavorable du magistrat judiciaire. Au regard des conséquences qu'entraîne un tel refus, cette absence méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, l'article 34 de la loi pénitentiaire doit être déclaré contraire à la Constitution.


Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel considère que l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de priver les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement de la possibilité d'obtenir un rapprochement familial. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 1er septembre 2019 la date de cette abrogation.

Néanmoins, pour faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que les avis défavorables pris sur le fondement des dispositions litigieuses par les magistrats judiciaires après la date de cette publication peuvent être contestés devant le président de la chambre de l'instruction, dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 145-4 du Code de procédure pénale.
Source : Actualités du droit