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L'avis du Conseil d'État sur la révision de la loi de bioéthique

Civil - Personnes et famille/patrimoine
Public - Santé
16/07/2018
L‘étude « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? » a été adoptée par l’Assemblée générale plénière du Conseil d’État du 28 juin 2018 et remise au Premier ministre le 6 juillet 2018.
Saisi, en décembre 2017, par le Premier ministre d’une demande de cadrage juridique préalable à la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d’État a rendu publique son étude portant sur la procréation, les conditions du don d’organes, de tissus et de cellules (dont les gamètes), du don du sang, la génomique, les neurosciences, l’intelligence artificielle et les big data, la fin de vie, la situation des enfants dits « intersexes ».

Le Conseil d’État commence par rappeler le triptyque sur lequel repose le modèle bioéthique français, à savoir : dignité, liberté, solidarité. Il se caractérise par la place prééminente du principe de dignité qui se traduit par une protection particulière du corps humain : respect, inviolabilité et extra-patrimonialité du corps ; la prise en compte du principe de liberté individuelle, qui s’exprime à travers l’obligation de consentement, le droit au respect de la vie privée, l’autonomie du patient et l’importance accordée au principe de solidarité, avec une certaine conception du don altruiste, l’attention portée aux plus vulnérables et la mutualisation des dépenses de santé.

En ce qui concerne l’assistance médicale à la procréation (AMP), dans son rapport la Haute juridiction considère que le droit ne contraint ni au statu quo ni à l’évolution des conditions d’accès. « Ni le principe d’égalité, ni un prétendu « droit à l’enfant » n’impose ainsi l’ouverture de l’AMP. L’intérêt supérieur de l’enfant est un principe important qui doit inspirer le législateur, mais qui ne lui impose pas de maintenir la législation en l’état et ne l’empêche pas de chercher des solutions autres que celles qui existent actuellement, en opérant une conciliation entre plusieurs motifs d’intérêt général ».
L’étude examine les différents scénarios possibles dans l’hypothèse d’une ouverture de l’AMP et recommande de créer, le cas échéant, un mode d’établissement de la filiation spécifique permettant tant à la mère biologique qu’à la mère d’intention d’établir son lien de filiation à l’égard de l’enfant dès la naissance de celui-ci, de manière simple et sécurisée sans imposer une réforme d’ensemble du droit de la filiation. Par ailleurs, l’étude constate que si une AMP « non pathologique » devait être autorisée, il serait sans doute préférable de prévoir sa prise en charge par l’assurance maladie.

La même absence de contraintes juridiques se retrouve sur l’autoconservation ovocytaire. 

Sur la gestation pour autrui, le Conseil d’État souligne sa contrariété avec les principes d’indisponibilité du corps et de l’état des personnes qui le conduit à en exclure le principe. 

Le Conseil d’État estime aussi envisageable de permettre aux enfants issus d’un don de gamètes d’accéder, à leur majorité, à l’identité du donneur si celui-ci y consent. Le vice-président indique toutefois que c’est à la condition que soit préservé l’anonymat du don au moment où il est effectué : « oui à l’accès aux origines, non au choix du donneur ».

À propos de la fin de vie, le Conseil d’État rappelle que le droit en vigueur est très récent et qu’il est le fruit d’un débat approfondi. Il permet, en outre, de répondre à l’essentiel des demandes d’aide médicale à mourir.

S’agissant du développement des tests génétiques facilités par la banalisation du séquençage génomique, ils questionnent la pertinence de l’interdit actuel d’y avoir recours pour soi-même ou pour un tiers. Si une dépénalisation était envisagée, deux garanties sont indispensables : maintenir l’interdiction de procéder à un test pour un tiers et interdire explicitement aux assureurs et aux employeurs de tirer parti de ces données.

L’édition génique permet d’inactiver certains gènes responsables de maladies voire d’amplifier l’expression d’autres susceptibles de présenter un intérêt particulier. Le Conseil d’État constate que si cette technique très novatrice devait donner lieu à des développements en matière clinique sur des cellules germinales ou des embryons, elle se heurterait aux stipulations de la convention d’Oviedo et aux dispositions du Code civil qui, en l’état, interdisent les modifications du génome transmissibles à la descendance.

Enfin, l’étude montre que l’intelligence artificielle à travers les objets connectés et le développement des algorithmes peut modifier les places respectives du patient et du médecin.
Source : Actualités du droit