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Action contre une compagnie aérienne qui n'a réalisé que le premier segment d'un vol avec correspondance : compétence du juge de l'Etat de destination finale

Transport - Air
Civil - Responsabilité
21/03/2018
La compagnie aérienne qui n'a réalisé dans un État membre que le premier segment d'un vol avec correspondance peut être attraite devant les juridictions de la destination finale située dans un autre État membre en vue d'une indemnisation pour cause de retard. Tel est le cas lorsque les différents vols ont fait l'objet d'une réservation unique pour la totalité du trajet et que le retard important à l'arrivée à la destination finale est dû à un incident qui a eu lieu sur le premier des vols. Tel est l'enseignement d'un arrêt rendu le 7 mars 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Dans cette affaire, des passagers aériens ont réservé auprès d'Air Berlin et d'Iberia des vols avec correspondance de l'Espagne vers l'Allemagne, ces réservations couvrant la totalité des trajets respectifs. Les premiers vols intérieurs en Espagne ont été réalisés pour le compte d'Air Berlin et d'Iberia par la compagnie aérienne espagnole Air Nostrum. Dans les deux cas, ces vols ont subi un retard qui a eu pour conséquence que les passagers ont manqué leur second vol vers l'Allemagne. Les passagers sont finalement parvenus à leur destination finale avec plus de 3 heures de retard (à savoir environ 4 heures de retard pour le vol réservé auprès d'Air Berlin et 13 heures de retard pour celui réservé auprès d'Iberia).

La Cour conclut que la destination finale en Allemagne peut être considérée comme le lieu d'exécution des prestations à fournir non seulement en ce qui concerne le second vol, mais également en ce qui concerne le premier vol intérieur en Espagne. Il s'ensuit que les juridictions allemandes sont en principe compétentes pour juger d'actions en indemnité dirigées contre une compagnie aérienne étrangère telle qu'Air Nostrum. La Cour considère que, dans le cas d'un vol avec correspondance, le "lieu d'exécution" de ce vol au sens du Règlement "Bruxelles I" doit être considéré comme étant le lieu d'arrivée du second vol, lorsque le transport sur les deux vols est effectué par deux transporteurs aériens différents et que le recours en indemnisation intenté en raison d'un retard important à l'arrivée est fondé sur un incident qui a eu lieu sur le premier vol effectué par un transporteur aérien autre que le cocontractant des passagers concernés. La Cour souligne, à cet égard, que les contrats en cause, caractérisés par une réservation unique pour la totalité du trajet, établissent l'obligation, pour un transporteur aérien, de transporter un passager d'un point A à un point C. Une telle opération de transport constitue un service dont l'un des lieux de fourniture principale se trouve au point C. Selon la Cour, il est suffisamment prévisible pour une compagnie aérienne qui, telle qu'Air Nostrum, ne réalise que le premier vol du point A au point B que les passagers puissent agir contre elle devant les tribunaux du point C.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit