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Réforme de la procédure d’appel : les nouveautés relatives à la mise en état

Civil - Procédure civile et voies d'exécution
24/05/2017
Moins de 10 ans après la réforme de 2009 opérée par le décret dit « Magendie », le décret du 6 mai dernier relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile apporte d’importants changements. Et, ce, dès le 1er septembre 2017. Le point sur la modification de l’objet et de l’effet de l’appel et les nouvelles règles applicables dans le cadre de la mise en état en ce qui concerne les délais et les sanctions.
Attendue depuis quelques temps, la réforme de la procédure applicable devant la cour d’appel apporte, avec plus de trente dispositions remaniées, complétées ou créées, d’importantes modifications ayant vocation à modifier assez largement la pratique du contentieux en appel (sur les dispositions modifiées par le décret du 6 mai 2017, voir ici).
 

I. Objet et effet dévolutif de l’appel


Fin de l’appel général. — L’appel reste une voie de recours ordinaire, qui persiste à tendre la réformation ou l’annulation d’un jugement rendu par une juridiction du premier degré. Toutefois, l’article 542 du Code de procédure civile est réécrit pour intégrer une nouvelle composante : la critique du jugement. C’est désormais exclusivement par ce biais que la voie de recours pourra s’exercer. L'appel ne défèrera plus à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique implicitement. C’est donc aussi ce qui explique que les chefs du jugement critiqués devront, à peine de nullité, expressément figurer dans la déclaration d’appel. Ceci, à moins que l’appel ne tende à l'annulation du jugement ou que l'objet du litige soit indivisible.

Prétentions nouvelles en cause d’appel. — La faculté des parties d’expliciter les prétentions virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et d’ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en étaient l'accessoire, la conséquence ou le complément, ne sera plus (complètement) de mise. À compter du 1er septembre prochain, l’article 566 du Code de procédure civile disposera simplement que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ». Exit donc, le contenu virtuel des demandes initiales. Néanmoins, les articles 563 et 564 du Code de procédure civile n’ont pas été modifiés. Ainsi, les parties pourront toujours invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves pour justifier les prétentions soumises au premier juge ; elles pourront aussi soumettre à la cour de nouvelles prétentions pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Il en sera de même de la formulation de demandes reconventionnelles ou additionnelles rattachées aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Pouvoir d’évocation de la cour d’appel. — L’article 568 du Code de procédure civile sera également modifié à compter du 1er septembre 2017. La cour d’appel saisie pourra continuer à évoquer les points non jugés, mais uniquement lorsqu’elle infirmera ou annulera le jugement en cause et non plus, comme actuellement, lorsqu’elle rend un arrêt confirmatif.
 

II. Le nouveau formalisme de la déclaration d’appel


Indication des chefs du jugement critiqué. — D’un point de vue strictement formel, le décret du 6 mai 2017 apporte des changements importants. Comme aujourd’hui, la déclaration d'appel devra comporter, à peine de nullité, les même mentions qu’actuellement. Mais à compter du 1er septembre 2017, une nouvelle composante sera ajoutée à peine de nullité de la déclaration d’appel, que la procédure se déroule avec ou sans représentation obligatoire : sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité devront être expressément mentionnés (CPC, art. 901, mod. et CPC, art. 933, mod.).

Notification de la déclaration d’appel. — Comme actuellement, la déclaration d’appel devra être formée par voie électronique dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire, à peine d’irrecevabilité relevée d’office (CPC, art. 930-1). Elle sera frappée de caducité, également relevée d’office, si elle n’est pas signifiée dans le mois suivant l’avis adressé par le greffe ; si l’intimé constitue avocat entretemps, la déclaration d’appel devra être signifiée entre avocats (CPC, art. 902).
En cas d’impossibilité de transmettre la déclaration par voie électronique, pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, celle-ci pourra toujours être établie sur support papier, remis au greffe (CPC, art. 930-1). Mais le décret du 6 mai 2017 consacre aussi la possibilité de procéder par voie postale, la déclaration d’appel pouvant donc être adressée au greffe par lettre recommandée avec AR. En pareil cas, c’est la date d’émission qui sera enregistrée par le greffe, qui adressera récépissé à l’appelant « par tout moyen ».
Dans le cadre de la procédure sans représentation obligatoire, le principe du contradictoire est renforcé, puisque le greffe devra non seulement, comme aujourd’hui, aviser la partie adverse de l’appel et l’informer de sa convocation ultérieure, mais aussi lui adresser une copie de la déclaration d’appel (CPC, art. 936).
 

II. Les nouvelles exigences relatives aux conclusions


Concentration des prétentions et des moyens. — Le nouvel article 910-1 du Code de procédure civile prévoira expressément que les conclusions déterminent l’objet du litige en appel. En outre et surtout, le futur article 910-4 du même code imposera aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, dans les premières conclusions (CPC, art. 905-2 (nouv.), 908 et 910). L’irrecevabilité pourra également être invoquée par la partie contre laquelle seraient formées des prétentions ultérieures. Toutefois et logiquement, demeureront recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait (CPC, art. 910-4, al. 2, nouv.). Il importe néanmoins de noter que ces nouvelles dispositions seront applicables sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783 du Code de procédure civile. Resteront ainsi recevables, les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.

Présentation formelle des conclusions. — Que la procédure soit avec ou sans représentation obligatoire, il conviendra d’indiquer, en en-tête des conclusions, les éléments prévus à l’article 961 du Code de procédure civile, quoique cette fin de non-recevoir puisse être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou l’ouverture des débats (CPC, art. 961). Les conclusions devront aussi, comme aujourd’hui, formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune est fondée, en indiquant, pour chaque prétention, les pièces invoquées. L’une des nouveautés instaurées par le décret du 6 mai 2017 réside dans leur nécessaire numérotation, en sus du bordereau récapitulatif annexé, ce qui facilitera, sans aucun doute le travail des magistrats, tout en permettant vraisemblablement certains oublis fâcheux. Les conclusions comporteront « distinctement », un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs du jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu’un dispositif les récapitulant. Les moyens nouvellement présentés devront être présentés de manière formellement distincte. La cour ne statuera que sur les prétentions énoncées dans le dispositif et n’examinera les moyens au soutien que s’ils ont invoqués dans la discussion (CPC, art. 954). Les autres prévisions de l’article 954 du Code de procédure civile resteront applicables (nécessaire reprise, dans les dernières écritures, des prétentions et moyens précédemment invoqués ou présentés notamment). Le conseiller de la mise en état pourra enjoindre aux avocats de mettre leurs conclusions en conformité avec l’ensemble de ces dispositions (CPC, art. 913).
 
Délais pour conclure. — Comme actuellement, l’appelant disposera d’un délai de trois mois pour remettre ses conclusions au greffe, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office (CPC, art. 908). Le décret du 6 mai 2017 procède à un alignement des délais en faveur de l’intimé, selon une logique soucieuse de l’égalité des parties : là où il disposait d’un délai de deux mois, il bénéficiera, à compter du 1er septembre 2017, d’un délai de trois mois, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, pour remettre ses conclusions au greffe et, le cas échéant, former appel incident ou appel provoqué (CPC, art. 909, mod.). Les mêmes délais et les mêmes sanctions seront applicables à l’intimé à un appel incident ou provoqué, à compter de la notification qui lui en est faite (CPC, art. 910, mod.), à l’intervenant forcé, à compter de la demande d’intervention formée à son encontre (CPC, art. 910, al. 2) et à l’intervenant volontaire, à compter de son intervention (CPC, art. 910, al. 2).
Le point de départ des délais pour conclure est fixé au jour de la notification des conclusions (CPC, art. 911, al. 3, nouv.) et aux termes du nouvel article 910-2 du Code de procédure civile, la décision d’ordonner une médiation interrompra les délais pour conclure et former appel incident, jusqu’à la fin de la mission du médiateur.
Comme actuellement, ces délais sont augmentés d’un mois si les parties résident en France non métropolitaine et de deux mois si elles résident à l’étranger (CPC, art. 1037-1, al. 5, nouv., renvoyant à CPC, art. 911-2). Enfin, le conseiller de la mise en état peut toujours, d’office, par ordonnance et en raison de la nature du litige, impartir des délais plus courts (CPC, art. 911-1, al. 1).
Les dispositions de l’article 930-1 du Code de procédure civile sont applicables, ce qui signifie que les actes de procédure doivent être remis à la juridiction par voir électronique, à peine d’irrecevabilité. En cas d’impossibilité et pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, l’acte pourra être remis au greffe ou adressé par lettre recommandée avec AR.

 

IV. Les sanctions

 
Compétence du conseiller de la mise en état. — L’article 914 du Code de procédure civile est réécrit et complété par le décret du 6 mai 2017 tient compte de la jurisprudence applicable en la matière. Il disposera en effet désormais, de manière on ne peut plus explicite, que le conseiller de la mise en état (CME) est seul compétent « depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction », pour prononcer la caducité ou l’irrecevabilité des actes de la procédure suivie (pour une illustration récente, voir Cass. 2e civ., 11 mai 2017, n° 15-27.467, à paraître).

Conclusions adressées au conseiller de la mise en état. — Aussi, devront être spécialement adressées au CME, les conclusions tendant au prononcé de la caducité de l’appel, à la déclaration d’irrecevabilité de l’appel (et toute question relative à sa recevabilité, avec une concentration des moyens soulevés à ce titre, à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été), à la déclaration d’irrecevabilité des conclusions en application des articles 910 et 911 du Code de procédure civile ou encore à la déclaration d’irrecevabilité en l’absence de recours à la communication électronique (CPC, art. 930-1).

Autorité des ordonnances du conseiller de la mise en état. — Les ordonnances du CME statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur sa caducité ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure ont autorité de chose jugée au principal (CPC, art. 914, in fine). En outre, elles restent insusceptibles de recours indépendamment de l’arrêt au fond, mais peuvent être déférées à la cour par requête, dont le formalisme est prescrit à peine d’irrecevabilité (CPC, art. 916).
De plus, le texte précise clairement que les parties ne seront plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, sauf circonstance postérieure. Toutefois, la cour d’appel pourra, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de la recevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci.
 
Tempéraments. — Répondant à une attente de la profession, le nouvel article 910-3 du Code de procédure civile prévoit qu’en cas de force majeure, le conseiller de la mise en état pourra écarter l’application des sanctions prévues aux articles 908 à 910 du Code de procédure civile. Rappelons également qu’il dispose du pouvoir d’enjoindre les parties de mettre leurs conclusions en conformité avec les exigences des articles 954 (nouvelle modélisation) et 961 (constitution d’avocat) du Code de procédure civile (CPC, art. 913).
 
Conséquences de la caducité ou de l’irrecevabilité. — La partie dont la déclaration d’appel a frappée de caducité (CPC, art. 902 et 908) ou dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie (CPC, art. 911-1, al. 3, nouv.). De même, ne sera pas recevable à former appel principal, l’intimé auquel les conclusions de l’appelant auront été régulièrement notifiées et qui n’aurait pas formé appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais de l’article 909 ou dont l’appel incident ou provoqué aurait été déclaré irrecevable (CPC, art. 911-1, al. 4, nouv.).
Enfin, le nouvel alinéa 3 de l’article 906 du Code de procédure civile consacre la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables (voir par ex. Cass. 2e civ., 13 nov. 2015, n° 14-19.931, à paraître).
 
 
Sur les délais et sanctions applicables dans le cadre du circuit court, voir « Réforme de la procédure d’appel : les évolutions de la procédure à bref délai », Actualité du 24/05/2017.
Sur la fin du contredit, voir : « Exceptions d’incompétence : les modifications apportées par le décret du 6 mai 2017 », Actualité du 16 mai.
 
Source : Actualités du droit