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Précisions sur l’opposabilité d’une notice explicative à l’administration fiscale sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF

Civil - Fiscalité des particuliers
11/07/2023
Un imprimé déclaratif et sa notice explicative peuvent être regardés, dans certaines circonstances, comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF, précise le Conseil d’État dans un arrêt du 20 juin 2023.
Pour mémoire, l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige, prévoit que « il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (…) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ».

En l’espèce, à la suite de la perception, en 2010, de dividendes de source togolaise, des contribuables ont mentionné sur leur déclaration des revenus perçus à l'étranger, le bénéfice d'un crédit d'impôt qu’ils ont calculé sur la base d'un taux de 37,5 % déterminé selon la formule figurant sur la notice établie par l'administration fiscale à laquelle renvoyait l'imprimé déclaratif. L’administration fiscale a toutefois rectifié le montant de ce crédit d’impôt au motif que le taux de 37,5 % n'était plus applicable aux dividendes de source togolaise depuis une modification de la doctrine administrative applicable à compter des revenus perçus en 1996. Elle a en conséquence recalculé le crédit d'impôt sur la base du taux de 25 % prévu par la convention fiscale franco-togolaise. La cotisation d'impôt sur le revenu au titre de l'année en litige, d'un montant initialement nul, s'est finalement établi au montant de 89 918 euros, majoré de pénalités.

Le tribunal administratif ainsi que la cour administrative d’appel ont successivement rejeté la demande des contribuables tendant à la décharge de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales résultant de cette rectification.

La cour administrative d’appel a en effet retenu qu’ils ne pouvaient se prévaloir de la notice explicative établie par l’administration fiscale au motif qu’elle n’avait, en tant que notice explicative, qu’une valeur indicative et ne se substituait pas à la documentation officielle de l’administration, et d’autre part, qu’elle n'était pas au nombre des instructions ou circulaires publiées par lesquelles l'administration fiscale fait connaître son interprétation des textes fiscaux.

Dans un arrêt du 20 juin 2023, le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps, que la remise en cause par l'administration fiscale d'un crédit d'impôt qui a été imputé sur l'imposition primitive d'un contribuable constitue un rehaussement au sens et pour l'application des dispositions du premier et du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

Il précise alors que « si, en principe, un formulaire de déclaration ou une notice explicative ne sont pas au nombre des instructions ou circulaires que publie l'administration fiscale pour faire connaître son interprétation des textes fiscaux, il en va différemment lorsque ces documents, mis à la disposition des contribuables sur son site internet ou sur demande, comportent une interprétation formelle de la loi fiscale, laquelle peut être invoquée sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ».

En l’espèce, le Conseil d’État relève que :
  • la documentation officielle ne comportait aucune mention explicite du retrait, à compter de 1996, des dividendes de source togolaise du champ du crédit d’impôt dit «  décote africaine «  institué par la doctrine administrative, mais se bornait à ne plus mentionner le Togo dans la liste des pays concernés ;
  • le formulaire déclaratif en cause, au moins jusqu’à la déclaration des revenus perçus en 2010, mentionnait « sans réserve ou précision particulière, le Togo au titre des pays concernés par le crédit d’impôt » et se bornait à renvoyer, pour les dividendes de source togolaise, à la disposition n° 12, relative à la formule de calcul du taux, de sa notice explicative,
  • et qu'en outre, « cette notice, en dépit de sa formule préliminaire selon laquelle elle ne se substituait pas à la documentation officielle de l'administration, indiquait immédiatement ensuite que le contribuable y trouverait " toutes les explications nécessaires " ».
Par suite, le Conseil d’État retient que, dans ces circonstances, l'imprimé déclaratif et sa notice explicative doivent être regardés comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

L'arrêt rendu par la cour administrative d’appel est annulé et l’affaire lui est renvoyée.
Source : Actualités du droit