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Engagement d’une petite société par un salarié : le mandat apparent sauve le cocontractant

Civil - Contrat
17/03/2022
Nouvelle illustration de la théorie du mandat apparent, les circonstances – appréciées par le juge – peuvent autoriser le cocontractant à ne pas vérifier les pouvoirs du signataire de l’engagement.
Un promoteur immobilier achète des parcelles de terrain en vue de la construction de logements grâce à l’intervention d’un apporteur d'affaires. Un riverain ayant menacé de déposer un recours contre le permis de construire, le promoteur signe avec lui un protocole d'accord prévoyant le versement d'une indemnité transactionnelle de 60 000 euros. Prétendant que l’apporteur d’affaires s'était engagée à prendre en charge la moitié de cette somme moyennant une rétrocession d’honoraires, il l’assigne en paiement.
 
L’apporteur d’affaires, condamné à payer la somme de 30 000 euros, se pourvoit en cassation pour violation des articles 1984 et 1998 du Code civil, ensemble l'article L. 223-18, alinéa 5, du Code de commerce. Selon lui, seul le gérant pouvait agir en son nom et pas le salarié qui ne disposait d’aucun pouvoir.
 
La Cour de cassation rejette son action sur le fondement du mandat apparent.
 
« Le seul fait que la nomination et la cessation des fonctions de gérant de société à responsabilité limitée soient soumises à des règles de publicité légale ne suffit pas à exclure qu'une telle société puisse être engagée sur le fondement d'un mandat apparent ».
La Cour de cassation rappelle qu'« une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs » (C. civ., art. 1985 et 1998).
 
Le promoteur avait pour seul interlocuteur un salarié de l’apporteur d’affaires, petite société, qui avait déclaré dans plusieurs courriels qu'il intervenait pour le compte de cette société, en employant le terme « nous » pour la désigner et en terminant ses messages par les mots « Pour la société … ». Il envoyait ses propres courriels à l'adresse mail de la société et non à l'adresse mail personnelle du salarié.
 
Le promoteur a pu légitimement croire que le salarié, qui a confirmé par écrit l'engagement de sa société concernant la rétrocession d'honoraires, avait le pouvoir de prendre la décision de réduire les honoraires d'apporteur d'affaires de cette société. Ces circonstances autorisaient le promoteur à ne pas vérifier les pouvoirs du salarié.
 
Voir Le Lamy Droit du contrat, n° 370.
Source : Actualités du droit