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La semaine du droit fiscal

Civil - Fiscalité des particuliers
11/01/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit fiscal, la semaine du 4 janvier 2021.
Régime fiscal – transmission par décès – prescription – motivation
« La présente procédure s’inscrit dans le cadre des successions de B... et de C... X..., membres d’une famille de marchands d’art parisiens, tous deux domiciliés fiscalement en France.

B... X... est décédé le [...] 2001, laissant pour lui succéder, sa veuve, D... Y..., laquelle a renoncé, le 26 novembre 2001, à la succession, et ses fils, C... X... et M. A... X..., issus d’une précédente union. Ces deux derniers ont déposé, le 23 avril 2002, une déclaration de succession faisant état d’un actif net de quarante millions d’euros, pour un montant de droits de 17 753 829 euros, payés, le 12 août 2003, par dation en oeuvres d’art.
Par arrêt du 14 avril 2005, la cour d’appel de Paris, saisie par D... Y..., a annulé, pour erreur de droit sur le régime matrimonial, sa renonciation à la succession et la déclaration de succession (cassation partielle, sur un autre point, 1re Civ., 20 juin 2006, pourvoi n° 05-14.281, Bull. 2006, I, n° 321).
C... X... étant décédé le [...] 2008 et laissant à sa succession sa veuve, Mme E... Z..., et ses enfants, Mme F... X... et M. C... (C... junior) X..., nés d’une précédente union, les trois héritiers sont venus à ses droits dans la succession de B... X....
Le 31 décembre 2008, après mise en demeure de l’administration fiscale du 3 avril 2008, une nouvelle déclaration de succession faisant état d’un actif net de quarante quatre millions d’euros, a été déposée, les droits s’élevant à dix-sept millions cent mille euros.
L’administration fiscale a notifié aux héritiers, le 6 novembre 2014, un redressement retenant une base taxable comportant en particulier les actifs de plusieurs trusts, les D..., G... et Delta trusts, pour un montant dû de quatre cent cinquante millions d’euros, majorations et intérêts de retard inclus. Une contestation a été formée devant le juge de l’impôt. Par jugement, non définitif, du 9 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de M. A... X..., sauf en ce qui concerne, notamment, le dégrèvement d’imposition mise à sa charge au titre du D... trust.
A la suite du décès, le 2008, de C... X..., une déclaration de succession portant sur un actif net de sept millions d’euros a été déposée par ses héritiers, le 20 février 2009, les droits dus s’élevant à un million et demi d’euros.
L’administration fiscale a adressé, le 8 décembre 2014, une proposition de rectification réintégrant à la succession, à hauteur de plus de deux cents millions d’euros, au titre de la quote-part des biens issus de la succession de B... X..., des biens détenus par les trusts constitués par ce dernier, les D..., G..., Delta et Sons trusts, ainsi que, à hauteur de dix-neuf millions d’euros, des biens contenus dans des trusts constitués par C... X..., les Louve et Drawdale trusts. Le redressement fiscal, portant sur un actif net de trois cent un millions d’euros, pour cent millions d’euros dus, majorations et intérêts de retard inclus, a également fait l’objet d’une contestation devant le juge de l’impôt.
Faisant suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée par D... Y..., une information judiciaire a été ouverte, le 5 juillet 2010, pour abus de confiance, puis pour blanchiment, recel, faux et usage. Mme E... Z... s’est également constituée partie civile pour des faits d’abus de confiance, détournements et obstructions commis par les trustees. Les deux veuves ont reproché aux trustees des G... trust, Sons trust et Delta trust de leur avoir caché leur qualité de bénéficiaire, de ne pas avoir déclaré ces biens lors de la succession et de ne pas avoir respecté les règles de distribution fixées par les contrats de trust, ce qui les aurait lésées.
Parallèlement, après avis conforme de la commission des infractions fiscales, l’administration fiscale a déposé deux plaintes, les 22 juillet 2011 et 20 décembre 2012, visant des minorations dans les déclarations des deux successions par dissimulation de nombreux actifs détenus au sein de trusts étrangers.
L’information judiciaire, ouverte le 29 août 2011, portant sur ces faits de fraude fiscale, a été jointe à la précédente, le 23 septembre 2011.
A l’issue de l’information judiciaire, les juges d’instruction ont renvoyé devant le tribunal correctionnel, pour y être jugés :
- M. A... X..., des chefs de fraude fiscale par dissimulation de sommes sujettes à l’impôt sur les successions, à compter d’octobre 2001, et notamment en décembre 2008 lors de la deuxième déclaration de succession de B... X..., notamment les propriétés immobilières du Kenya, des Iles Vierges Britanniques, de la [...], de la [...] à New-York, les parts de la X... and Co Inc, diverses galeries d’art et les oeuvres d’art, le tout logé dans le Sons trust, le G... Trust, le Delta Trust, le D... trust et le GW Trust, de blanchiment, aggravé pour avoir été commis de manière habituelle et en bande organisée, avec le concours de notaires et avocats parisiens, trustees d’Etats off shore, et protecteurs et conseils suisses, de fraude fiscale commise dans le cadre de la succession de B... X... au moyen de trusts faussement discrétionnaires et de complicité de fraude fiscale commise lors de la déclaration de succession d’C... X... par dissimulation volontaire de “la quote-part des biens issus de la succession de B... X... et des tableaux et la contrepartie des parts de la galerie de New-York logés dans le Louve et le Drawdale Trust ;
- M. C... (junior) X..., du chef de fraude fiscale commise lors des déclarations de succession de B... et d’C... X... ;
- Mme E... Z..., du chef de complicité de blanchiment aggravé de fraude fiscale commise dans le cadre de la succession de B... X... ;
- M. H... W..., notaire, du chef de complicité de fraude fiscale commise par les héritiers de B... et d’C... X... ;
- M. I... V..., notaire et conseil fiscal, de blanchiment aggravé de fraude fiscale commise dans le cadre de la succession de B... X... ;
- M. J... U..., avocat, des chefs de complicité de fraude fiscale commise par les héritiers de B... et d’C... X... et de blanchiment aggravé ;
- Le Northern trust fiduciary services (Guernesey) limited (NTFS), trustee, du chef de complicité de fraude fiscale commise par les héritiers de B... X... ;
- La Royal bank of Canada trust company (Bahamas) limited (RBCTC), trustee, du chef de complicité de fraude fiscale commise par ces mêmes héritiers.
Par jugement du 12 janvier 2017, les juges du premier degré ont relaxé les prévenus, faute, selon eux, d’élément légal de la fraude fiscale à la date des faits, s’agissant de l’imposition au titre des droits de mutation par décès de biens logés dans des trusts ayant perduré au delà du décès de leur constituant. Ils ont débouté l’administration fiscale et l’Etat français, parties civiles, de leurs demandes.
Le ministère public et les parties civiles ont relevé appel du jugement.

Vu les articles 1741 du Code général des impôts et L. 230 du Livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la cause :
Aux termes du premier de ces textes, commet le délit de fraude fiscale celui qui s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manoeuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse.
Il en résulte qu’est incriminé tout procédé frauduleux tendant à la soustraction intentionnelle à l’établissement et au paiement de l’impôt.
Selon le second de ces textes, s’agissant de l’exercice des poursuites pénales, les plaintes de l’administration fiscale peuvent être déposées jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle l’infraction a été commise, et la prescription de l’action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette dernière émet son avis.
La prescription spéciale de l’action publique commence à courir du jour où l’infraction a été commise, soit, en cas d’omission de déclaration, le jour où celle-ci aurait dû être faite, en cas de dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, le jour où une déclaration inexacte est produite auprès des services fiscaux (Crim., 13 décembre 1982, pourvoi n° 80-95.151, Bull. crim. 1982, n°284).
Il s’en déduit que le dépôt d’une déclaration, fût-elle tardive au regard des dispositions fiscales la régissant, qui comporte des omissions, fait courir le délai de prescription spéciale prévue à l’article L. 230 du livre des procédures fiscales dès lors qu’elle tend à permettre la liquidation et le paiement de l’impôt.
En l’espèce, pour déclarer prescrite la fraude fiscale commise à l’occasion de la déclaration de succession de B... X... et relaxer MM. A... et C... X..., prévenus de ce délit, Mme E... Z..., MM. H... W... et J... U..., les sociétés RBCTC et NTFS, prévenus de complicité, l’arrêt attaqué énonce que cette infraction est un délit instantané qui se réalise à la date d’expiration du délai légal fixé pour le dépôt de la déclaration. Il relève que la déclaration de succession a été déposée, le 23 avril 2002, dans les six mois du décès de B... X..., que le délai de prescription commençant à courir à compter du 31 décembre de l’année suivant celle de la consommation de l’infraction, le délai de prescription de trois ans expirait le 31 décembre 2005 et que la plainte de l’administration fiscale, déposée le 22 juillet 2011, a été suivie d’un réquisitoire introductif du procureur de la République de Paris en date du 29 août 2011.
Les juges ajoutent que l’annulation de la déclaration de succession par la cour d’appel de Paris le 14 avril 2005 n’a pas fait disparaître l’infraction de fraude fiscale, dont la prescription n’est pas contestée, et que la seconde déclaration de succession du 31 décembre 2008, déposée à la demande de l’administration fiscale, qualifiée de conservatoire, portant sur la même succession, les mêmes impositions et comportant les mêmes omissions considérées comme frauduleuses, ne peut constituer un nouveau délit de fraude fiscale, celui-ci ayant été définitivement consommé lors de la déclaration du 23 avril 2002.
En statuant ainsi, la cour d’appel a méconnu les textes et principes susmentionnés.
En effet, en premier lieu, il est constant qu’une déclaration de succession qui visait à l’établissement et au paiement des droits de mutation à la suite du décès de B... X... a été déposée par les héritiers, le 31 décembre 2008 et que la prescription a été régulièrement interrompue, le 29 août 2011, par le réquisitoire introductif du procureur de la République, avant l’expiration du délai prévu par le livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la cause.
En deuxième lieu, il importe peu que cette déclaration ait été déposée après l’expiration du délai de six mois prévu par l’article 641 du code général des impôts dès lors qu’elle tendait à remplir l’objectif précité.
En troisième lieu, il est également indifférent qu’une précédente déclaration portant sur la même succession comportant des omissions déclaratives, pour laquelle la prescription de l’action publique est considérée comme acquise, ait été déposée dans ce délai de six mois.
La cassation est encourue de ce chef.

 

Vu les articles 593 du code de procédure pénale et 750 ter, 784, 800 et 1741 du code général des impôts :
Selon le premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
L’article 1741 du code général des impôts incrimine et punit celui qui s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts, notamment lorsqu’il a volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt.
Les dispositions pénales sont applicables aux héritiers, légataires ou donataires qui sciemment minorent une déclaration de mutation par décès par omission déclarative de certains biens ou droits. En effet, les héritiers, légataires ou donataires sont tenus, sauf dispense légale, de souscrire et signer une déclaration de succession détaillée en application de l’article 800 de ce code.
La déclaration de succession comporte tous les biens qui appartiennent, ou sont légalement réputés appartenir, au défunt et qui, par le fait de son décès, sont transmis à ses héritiers, légataires ou donataires, ainsi que, selon l’article 784 du même code, sauf dispense de rapport fiscal, l’existence de donations consenties à un titre et sous une forme quelconques par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et le montant de ces donations.
De son vivant, le défunt a pu avoir placé ses biens, en tout ou en partie, dans un trust de droit étranger.
En se basant sur la Convention de la Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance et sur l’article 792-0 bis du code général des impôts créé par la loi n°2011-900 du 29 juillet 2011, le trust peut être défini comme l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un Etat étranger par une personne, le constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, lorsque des biens ou des droits ont été placés, sous le contrôle d’un administrateur, le trustee, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé.
Ce mécanisme en vertu duquel le constituant se dessaisit de ses biens et qui conduit à dissocier la propriété « légale » du trustee de la propriété « équitable » du ou des bénéficiaires est inconnu en droit français.
Il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence civile et fiscale de la Cour de cassation développée dès 1996, il convient de s’attacher aux effets concrets du trust concerné tel qu’établi et régi par la loi étrangère applicable afin de déterminer s’il a réalisé, au sens du droit français, au profit du ou des bénéficiaires, un transfert de propriété ayant pris effet au décès du constituant et susceptible d’être soumis aux droits de mutation à titre gratuit.
Il a également été jugé par la chambre commerciale de la Cour de cassation que, lorsqu’il est établi que le constituant d’un trust a le droit de jouir et de disposer des biens confiés ou, s’agissant d’un acte de trust irrévocable, ne s’est cependant pas dépossédé de ses biens de manière irrévocable, ces derniers doivent être inclus dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune constituée par la valeur des biens appartenant au contribuable.
Il en résulte notamment qu’en l’absence de dessaisissement du constituant d’un trust, les biens qui y sont logés sont considérés comme étant restés la propriété du constituant. Dans cette hypothèse, il importe peu que, selon l’acte de trust, celui-ci soit qualifié de discrétionnaire et irrévocable et qu’il n’ait pas pris fin au décès du constituant.
L’intervention du législateur le 29 juillet 2011, lequel a organisé un régime fiscal des biens placés dans un trust de droit étranger, inapplicable à l’espèce, n’implique pas l’absence de toute fiscalité antérieure applicable à l’égard de ces biens. En effet, il ressort des travaux préparatoires que ce texte a visé à confirmer, préciser et compléter le régime fiscal des trusts en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune.
Ainsi, si le nouvel article 792-0 bis du code général des impôts instaure une imposition spécifique au titre des droits de mutation par décès s’agissant des biens placés dans un trust qui sont transmis aux bénéficiaires au décès du constituant sans être intégrés à sa succession, ou qui restent dans le trust après le décès du constituant, il confirme également que les transmissions à titre gratuit réalisées par l’intermédiaire d’un trust et qui peuvent être qualifiées de donation ou de succession sont soumises aux droits de mutation de droit commun.
Aux termes de l’article 750 ter dudit code, dans sa version antérieure à la loi du 29 juillet 2011, sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit, en particulier, les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d’intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu’elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments, et sans méconnaissance de l’exigence de prévisibilité juridique, le principe suivant. Même avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, lorsque le constituant d’un trust de droit étranger, fût-il, aux termes de l’acte de trust, qualifié de discrétionnaire, irrévocable et ne prenant pas fin à son décès, ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens placés, ses héritiers sont tenus de les déclarer lors de la succession. Par voie de conséquence, la méconnaissance de cette obligation déclarative est susceptible de caractériser le délit de fraude fiscale.
Dès lors, il appartient au juge d’analyser le fonctionnement concret du trust concerné afin de rechercher si le constituant a, dans les faits, continué à exercer à l’égard des biens logés dans le trust des prérogatives qui sont révélatrices de l’exercice du droit de propriété, de telle sorte qu’il ne peut être considéré comme s’en étant véritablement dessaisi.
En l’espèce, l’arrêt attaqué confirme le jugement ayant relaxé M. C... junior X... du chef de fraude fiscale par dissimulations à l’impôt sur la succession d’C... X... de la quote part des biens issus de la succession de B... X..., soit des biens logés dans les Sons, G..., Delta, D... et GW trusts, ainsi que des tableaux et des biens logés dans le Louve et Drawdale trusts, et MM. A... X..., H... W... et J... U... du chef de complicité.
Il précise que les trusts litigieux, qui ne figurent pas à l’actif de la déclaration de succession d’C... X..., présentent la caractéristique de ne pas prendre fin au décès de leur constituant, et que le GW trust constitué par K... X..., les Sons, G..., Delta et D... trusts constitués par B... X... et les Louve et Drawdale constitués par C... X..., sont qualifiés d’irrévocables et discrétionnaires, à l’exception du Delta trust constitué par B... X... qui était révocable de son vivant.
Il énonce en substance que, bien qu’inconnu du droit français, le trust n’en produit pas moins des effets en France et est reconnu par la jurisprudence lorsqu’il est valablement constitué au regard de la loi d’autonomie et ne porte pas atteinte à l’ordre public français, et qu’il convient de se prononcer sur le point de savoir si existait, à la date du décès de C... X..., le 17 février 2008, une obligation de déclarer à sa succession les biens placés dans des trusts.
La cour d’appel mentionne que les appelants allèguent que l’obligation déclarative résulterait de l’absence de dépossession par les constituants des biens placés en trust.
S’agissant des GW et Drawdale trusts, elle retient que B... X..., n’étant pas le constituant du GW trust, « ne saurait être considéré comme ne s’étant pas réellement dépossédé des actifs », que des distributions de capital de ce trust reçues par C... X... ont été apportées à une société dont les parts ont été placées dans le Drawdale trust et que le conflit entre la bénéficiaire de ce trust, Mme Z..., et le protecteur, « et quels qu’aient été la réalité du rôle du trustee et le rôle du protecteur dans la direction de la société [...] et dans la distribution des revenus qui n’auraient été ratifiés qu’a posteriori par le trustee » ne constitue pas un élément suffisant pour affirmer qu’C... X... ne s’était pas dépossédé des actifs mis dans le Drawdale trust.
Quant aux actifs logés dans les Sons et G... trusts, elle relève qu’ « au delà de la qualité de co-trustee de leur constituant B... X... et d’une succession de trustees, éléments qui semblent être sans incidence sur la réalité de la dépossession par le constituant des biens mis en trusts, et s’il est permis de s’interroger sur le fait que le trustee, ainsi mentionné dans l’acte de trust, n’exerce ses pouvoirs d’investissement qu’en conformité aux instructions données par le constituant et bénéficie d’une décharge de responsabilité corollaire de la liberté laissée aux équipes de direction des sociétés dont les parts étaient détenues directement ou indirectement par les trusts, comme sur le rôle prépondérant du protecteur, L... T... jusqu’au décès de B... X..., et dont rien n’établit qu’il était membre des conseils d’administration des sociétés sous-jacentes, comme l’est ou l’a été, depuis 2007, le protecteur actuel, au demeurant sociétés sur lesquelles le dossier ne comporte que peu d’informations, interrogations pouvant conduire à interpréter ces éléments comme une limitation des pouvoirs discrétionnaires de gestion du trustee, la cour ne saurait affirmer que la mise en trust des parts de sociétés ne correspondait pas à la constitution d’un patrimoine indépendant ». Elle relève aussi que « cependant, s’agissant des distributions faites par le Sons trust du vivant du constituant, étant observé qu’il s’agissait de distributions de revenus et non de distributions de capital, il apparaît que des distributions ont été faites depuis le Sons trust, au profit du constituant, qui n’était pas un des bénéficiaires sauf pour un versement annuel d’un montant limité à 500 000 euros, montant largement dépassé si l’on en juge par l’existence non contestée d’une créance du Sons trust sur la succession de B... X... de 55 000 425 dollars au 31 janvier 2001 au titre d’un prêt consenti par B... X... » dont il n’est pas « contesté que cette somme a bénéficié à hauteur de trente-six millions de dollars au G... trust » et « que peu important que cette créance corresponde à des distributions ou à des prêts, son existence même atteste que B... X..., qui n’était bénéficiaire ni du Sons trust ni du Delta trust, se comportait comme tel, ce qui pourrait permettre d’établir qu’il ne s’était pas réellement dépossédé des biens trustés ».
S’agissant des oeuvres d’art logées dans le Delta trust, les juges relèvent que le constituant B... X... a fait usage de la faculté prévue à l’acte de trust, qui était révocable, de récupérer partie des biens mis en trust en reprenant dix-neuf tableaux de Bonnard qui ont été logés dans le D... trust, et qu’il « a décidé, en juillet 2001, du transfert en Suisse d’une partie des oeuvres qui se trouvaient sur le territoire américain, transfert dont on ignore s’il a été décidé en accord ou non avec le trustee de l’époque et pour quelles raisons, sauf à trouver une explication dans la découverte par le nouveau trustee RBCTC de la présence en 2001, sur le territoire américain, d’oeuvres d’art, [qui] va l’amener à déclarer, en octobre 2014, à l’administration fiscale américaine la présence d’oeuvres estimées à deux cent cinquante millions de dollars ». Ils retiennent que ces derniers « éléments non contestés, outre le caractère révocable du trust, peu important que le trust soit devenu irrévocable au décès de son constituant, semblent établir que B... X... ne s’était pas réellement dépossédé de la collection d’oeuvres d’art mises en trust sur laquelle il gardait un pouvoir de contrôle de leur gestion par des conventions signées entre le trustee, le protecteur et B... X..., et entre le trustee, le protecteur et la société X... and co, par lesquelles le trustee engageait B... X... et la galerie à l’assister dans la gestion des oeuvres d’art dont la vente, ainsi que mentionné à l’acte de trust et dans la lettre de souhait, devait générer les sommes nécessaires au maintien du train de vie du constituant et des bénéficiaires ainsi qu’à l’entretien des biens familiaux détenus par d’autres trusts » et que « cependant ces dispositions relatives aux distributions des revenus, au demeurant conformes à l’acte de trust et à la lettre de souhait, ne peuvent être l’élément déterminant d’une absence de dépossession ».
Quant au Louve trust composé d’oeuvres d’art provenant de la distribution du Delta trust, la cour d’appel énonce ne disposer « d’aucun élément objectif quant à son fonctionnement et sa gestion, sauf les déclarations de sa bénéficiaire Mme Z... selon lesquelles le patrimoine du trust lui aurait été attribué courant 2012, lui permettant d’affirmer que ces biens ne constituaient pas un patrimoine indépendant de leur constituant ».
Sur la quote-part des biens logés dans les Sons, G... et Delta trusts issue de la succession de B... X..., elle retient que les éléments et justificatifs produits permettent de constater que, depuis 2004 pour le Delta trust et 2005 pour les Sons et G... trusts, les trustees « semblent avoir exercé un rôle effectif ». 
Puis la cour d’appel examine la question de l’existence d’une obligation légale de déclaration fiscale.
Elle retient que les textes en vigueur ne comportaient aucune disposition spécifique sur l’imposition de la propriété des biens trustés et que les modifications législatives issues de la loi du 29 juillet 2011, inapplicables en l’espèce, ne peuvent être considérées comme n’ayant fait que compléter le droit positif alors que le législateur a introduit des dispositions spécifiques pour les biens restant en trust au décès du constituant par la détermination d’un constituant dit fiscal, à savoir le bénéficiaire, présumé propriétaire, afin de permettre une taxation au titre des droits de mutation par décès. Elle rappelle que la problématique du trust survivant au décès du constituant ne peut être considérée comme secondaire dès lors que les Sons, G... et Delta trusts sont toujours en vigueur.
L’arrêt attaqué conclut de la façon suivante : « alors que les textes en vigueur, tant au décès de B... X... qu’à celui de C... X... ne comportaient aucune disposition spécifique sur l’imposition de la propriété des biens placés en trust, que la jurisprudence citée en matière de droits d’enregistrement ne concerne pas des trusts prenant fin au décès du constituant, que s’il est permis d’avoir un doute au regard des éléments évoqués ci-dessus, sur la réalité de la dépossession par le constituant des biens trustés et sur le caractère irrévocable des trusts, ces derniers semblent l’être aujourd’hui, et au rappel des arguments du rapporteur de la loi du 29 juillet 2011 à l’assemblée nationale quant à l’insécurité juridique résultant d’un régime juridique et fiscal des trusts peu clair, régime résultant tant des textes que de la jurisprudence, la cour ne peut affirmer qu’il existait, avant la loi du 29 juillet 2011 et donc au décès de C... X... une obligation, suffisamment claire et certaine, portant obligation de déclarer les biens placés dans un trust, et qui plus est pour les biens logés dans un trust perdurant au décès de leur constituant, catégorie pour laquelle la loi a instauré une imposition spécifique ».
Il précise qu’en l’absence d’une telle obligation, dont l’omission constitue l’élément matériel du délit de fraude fiscale, il ne peut qu’être constaté que le délit de fraude fiscale n’est pas constitué.
En prononçant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
En effet, en premier lieu, c’est à tort que les juges ont retenu l’absence, avant la loi du 29 juillet 2011, de toute obligation de déclarer, lors d’une succession, des biens placés dans un trust.
En second lieu, les énonciations de l’arrêt telles que reprises aux paragraphes 60 à 62, 64 et 67 relatives à l’effectivité du dessaisissement du constituant à l’égard des biens placés dans les trusts sont équivoques, voire contradictoires, de sorte qu’elles ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de contrôler la motivation retenue par les juges à l’appui de la relaxe ».

Cass. crim., 6 janv. 2021, n° 18-84.570, P+B+I *

 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 11 février 2021.
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Source : Actualités du droit